jueves, 28 de febrero de 2013

Quelle place pour la sécession dans la théorie du fédéralisme ?



 El artículo siguiente se publicó en 2010, en un volumen de la Société P-J Proudhon publicado bajo nuestra dirección (Le fédéralisme: le retour ?, Paris, Publications Sté P.-J. Proudhon, 2010, pp. 23-39). En este texto reflexionamos sobre el lugar de la secesión en la teoría del federalismo, cuestión muy poco tratada en los estudios federales, y de la que, entendíamos entonces y seguimos entendiendo, no puede desinteresarse la teoría del federalismo, ni de manera más general la teoría política.  



Quelle place pour la sécession dans la théorie du fédéralisme ?

         Malgré le récent regain d’intérêt que la question de la sécession a pu susciter entre les chercheurs (notamment de langue anglaise), elle reste l’un des grands oubliés ou impensés de la science et de la philosophie politiques. Cela peut s’expliquer de plusieurs manières. D’une part, il faut noter que jusqu’aux années 1980-1990 les spécialistes du fédéralisme ont suivi pour l’essentiel la doctrine classique en droit public, selon laquelle l’Etat fédéral serait une forme spéciale d’organisation politique que pourrait adopter un peuple ou une nation dont l’intégrité territoriale et l’identité particulière ne feraient pas discussion. C’est le cas par exemple des Etats-Unis, de l’Allemagne ou de l’Australie, Etats fédéraux que l’on peut qualifier d’Etats-nation ou d’Etats consolidés, au sens voulu par J. Stuart Mill (un Etat, une nation)[i]. Dans tous ces Etats, le peuple ou nation étant déjà autodéterminé, il y aurait comme une incohérence à poser la question de la sécession à l’intérieur de leurs frontières : qui ferait alors sécession ? Ce non-sens auquel nous renvoient aussi bien la doctrine dominante que le droit positif fédéral s’est généralement traduit, dans les sciences politiques et juridiques, par l’abandon de cette importante question.  

Mais si, historiquement, le fédéralisme, dans sa pratique comme dans sa théorie, a pu s’éloigner de certains de ses principes fondateurs[ii], il convient aussi de rappeler, d’autre part, que même dans les théories fédérales qui prennent appui sur le principe contractualiste - la fédération non pas comme un seul peuple ou nation, mais comme résultante d’un contrat passé entre plusieurs peuples ou nations -, il y a comme un malaise à envisager le droit de sécession que pourrait avoir l’une des parties fédérées par rapport au tout fédéral. Nous avons un bel exemple de cette tendance chez Bernard Voyenne, auteur qui fut de son vivant l’un des meilleurs connaisseurs de la pensée et du fédéralisme proudhoniens. Voyenne faisait partie de ceux qui, à l’instar de Proudhon, pensaient le fédéralisme à la lumière du pacte ou contrat ; mais, à la différence de Proudhon, il ne semblait pas très à l’aise avec la sécession. Je me permets de renvoyer le lecteur au chapitre que Voyenne consacre au fédéralisme des juristes dans son important ouvrage L’histoire de l’idée fédéraliste[iii], où il traite cette question d’une manière très maladroite, son malaise le conduisant finalement à se mettre en contradiction[iv] avec la théorie fédérale qu’il défend dans son travail. En effet, Voyenne s’attarde longuement sur le fameux dilemme « Calhoun », qui porte comme l’on sait sur le titulaire de la souveraineté dans la fédération :

« Ou bien les traités qui ont donné naissance à l’Etat subsistent, et alors cet Etat n’existe qu’en vertu de la souveraineté de ses membres ; ou il s’agit, comme le prétendent les fédéralistes (sic), d’un pacte définitif et dans ce cas on se trouverait en face d’un Etat unitaire »[v].

             Mais avant de donner raison à ceux qu’il appelle « fédéralistes », Voyenne, pourtant très bon connaisseur des antinomies proudhoniennes, aurait dû se demander si cette antinomie entre la souveraineté des parties fédérées et celle de la fédération devait être tranchée nécessairement en faveur de l’une ou l’autre des parties (dialectique ou-ou), comme il le fait en refusant le droit de sécession aux parties fédérées[vi], ou bien si elle n’appelait pas plutôt une réponse dialectique proudhonienne (et-et : souveraineté des parties fédérées et du Tout fédéral)[vii] visant un équilibre davantage caractérisé par son instabilité que par sa stabilité et sa nature « définitive ». D’ailleurs, Voyenne lui-même reconnaît que son choix n’est pas celui du Proudhon - le Franc-Comtois accordant un droit de sécession aux parties d’une fédération[viii]-, ce qui peut paraître d’autant plus surprenant que le fédéralisme que défend Voyenne s’appuie entièrement sur celui de Proudhon. Or, si tel est le cas, pourquoi ne le suit-il pas sur un thème aussi important que celui de la sécession[ix] ? Pourquoi ce point de divergence avec Proudhon ? La réponse à ces questions importe peu, et il n’est même pas sûr qu’elle nous éclaire convenablement sur la logique du fédéralisme, tant sa logique semble venir d’ailleurs ; ce qui importe en revanche dans l’exemple de Voyenne, c’est qu’il nous montre fort bien le malaise dont sont saisis les intellectuels, les chercheurs et les théoriciens du fédéralisme quand il s’agit de penser la sécession[x].  Il importe donc de s’interroger sur l’origine et les causes de ce malaise très symptomatique.

         Disons tout de suite que les arguments utilisés par les spécialistes du fédéralisme pour refuser  le droit de sécession aux parties fédérées ne manquent pas. Quand les auteurs s’opposent à la sécession en mettant en évidence par exemple l’instabilité que le droit de sécession pourrait introduire dans une fédération, livrée dès lors aux sautes d’humeur des parties fédérées, ou bien lorsqu’ils montrent que la sécession pourrait être contestée légitimement par la fédération en raison, par exemple, des investissements que la fédération aurait pu faire dans le territoire sécessionniste - avantage ou bénéfice que celui-ci aurait obtenu grâce à l’effort collectif, et pour lequel la fédération serait donc en droit de demander un dédommagement en cas de sécession -, on voit tout de suite le poids et la pertinence des arguments. En effet, la stabilité politique est en démocratie indiscutablement un bien vers lequel tend toute société bien ordonnée, tout comme la justice et la solidarité interterritoriales, valeurs, toutes, qui seraient peut-être mises à mal si on laissait un droit de sortie arbitraire aux parties fédérées. Ce sont des arguments importants qui méritent d’être pris en considération, et qui apportent en tout cas de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la sécession ne peut intervenir que lorsqu’il y a juste cause, mais en aucun cas dans une fédération ou dans un Etat démocratique accordant une certaine autonomie à ses collectivités territoriales[xi].

Cela étant, même si on peut apprécier la pertinence de certains des arguments avancés pour refuser le droit de sécession aux parties dans une fédération, il n’en reste pas moins qu’aucun de ces arguments ne parvient à expliquer de manière raisonnable et convaincante  (surtout aux yeux de ceux qui estiment avoir droit à un tel droit) comment et pourquoi les parties d’une structure fédérative pourraient souhaiter fermer la porte de sortie derrière eux en entrant librement dans une fédération[xii], ni même d’ailleurs pourquoi il faudrait refuser catégoriquement un droit de sécession à un territoire autonome (partie d’une fédération ou non) qui respecte les principes de la démocratie libérale et manifeste clairement et majoritairement sa volonté de constituer un Etat séparé (l’Ecosse ou la Catalogne, par exemple). De toute évidence (les arguments précités le montrent), la question de la sécession appelle des réponses beaucoup plus nuancées qu’une réponse, affirmative ou négative, catégorique et inconditionnelle.

         Dans cet article, j’argumenterai en faveur de la nécessité d’une théorie de la sécession pour la théorie normative du fédéralisme. Si le fédéralisme est une union de peuples souhaitant mettre en commun un certain nombre de choses tout en se réservant, de manière privative, la gestion d’un certain nombre d’autres choses (notamment celles qui touchent à l’identité et à la culture de chaque peuple), la théorie du fédéralisme ne peut raisonnablement faire l’impasse sur la question de la sécession. Ce serait en quelque sorte comme signer un contrat dans lequel il n’y aurait pas de clause de résiliation. J’expliquerai très brièvement, dans un premier temps, pourquoi le contractualisme fédéral exige que l’on prenne au sérieux la question de la sécession, et pourquoi elle est importante. Dans un deuxième temps, je discute la théorie qui consiste à présenter la sécession comme étant un principe contraire aux valeurs du fédéralisme[xiii] en essayant simplement d’avancer quelques arguments nous permettant de comprendre qu’une lecture positive de la sécession est possible, et qu’elle est parfaitement en accord avec les valeurs du fédéralisme et de la démocratie. 

1.       Le contrat fédératif est bien un contrat

Le contrat fédératif est bien un contrat, un contrat de droit public (compact), mais un contrat tout de même[xiv]. Proudhon exprime déjà cette idée dans Du Principe fédératif, en insistant sur les deux piliers de sa théorie fédérative : 1) les sujets du pacte fédératif sont des sujets collectifs, (peuples ou territoires) et non des individus (différence avec le contrat rousseauiste) ; 2) le lien fédératif qui les unit (le droit créé par les parties) est bien un lien contractuel (leur volonté) et non un lien statutaire ou organique[xv]. Proudhon explique les raisons de ce qu’il présente comme étant la logique fédérale de la manière suivante :  

« Le contrat de fédération […] est essentiellement restreint. L’Autorité chargée de son exécution ne peut jamais l’emporter sur ses constituantes, je veux dire que les attributions fédérales ne peuvent jamais excéder en nombre et en réalité celles des autorités communales ou provinciales, de même que celles-ci ne peuvent excéder les droits et prérogatives de l’homme et du citoyen. S’il en était autrement, la commune serait une communauté ; la centralisation redeviendrait une centralisation monarchique ; l’autorité fédérale, de simple mandataire et fonction subordonnée qu’elle doit être, serait regardée comme prépondérante ; au lieu d’être limitée à un service spécial, elle tendrait à embrasser toute activité et toute initiative ; les Etats confédérés seraient convertis en préfectures, intendances, succursales ou régies. […] La même chose aurait lieu, à plus forte raison, si, par une fausse raison d’économie, par déférence ou par toute autre cause, les communes, cantons ou Etats confédérés chargeaient l’un d’entre eux de l’administration et du gouvernement des autres. La république de fédérative deviendrait unitaire »[xvi].

          La république deviendrait unitaire… C’est en effet ce que Proudhon prédit avec une grande lucidité, dans l’hypothèse d’une évolution ou d’une transformation de la nature contractuelle initiale de la fédération en un pacte statutaire (ou organique) qui ferait de la structure fédérative un tout indivisible[xvii]. L’histoire du fédéralisme et le droit positif fédéral n’ont d’ailleurs pas fait mentir Proudhon : chaque fois que la fédération cède à la force centripète ou centralisatrice (pour des raisons politiques ou économiques, peu importe), la centralisation du pouvoir entraîne une modification du pacte fédéral fondateur. Autrement dit, historiquement, le renforcement de l’autorité fédérale s’est toujours fait au détriment de l’autorité fédérée. 

         Mais, bien logiquement, à partir du moment où le contrat fédératif devient organique et unitaire (un seul peuple ou nation pour la fédération), il ne peut plus être question pour les parties fédérées de revendiquer un quelconque droit d’initiative souveraine en vertu duquel elles pourraient quitter la fédération, car ce droit, nous dit-on, elles l’auraient tout simplement perdu en chemin. On ne sait plus très bien comment ni pourquoi, mais les parties fédérées auraient renoncé à ce droit[xviii]. Or c’est bien la perte de ce droit de sortie (beaucoup plus que la perte de certaines compétences, par exemple) qui pose problème dans un certain nombre d’Etats dans lesquels cohabitent plus d’une nation et plus d’un nationalisme (Canada, Belgique, Espagne, etc.), tout comme pose problème, c’est surtout cela qui nous intéresse ici, le fait que la théorie classique du fédéralisme ne parvienne pas à rendre compte, avec un minimum d’impartialité, de cet épineux dossier. Cela expliquerait aussi son incapacité à trouver des solutions aux problèmes qui se posent.

         Cette manière de voir et de comprendre le lien fédératif comme un lien statutaire et indisponible pour les parties fédérées (la nation fédérale vue comme appartenant au groupe national majoritaire) est tellement différente du fédéralisme contractuel (compact), qu’on doit se demander si dans ce cas on se trouve encore devant une structure fédérative ou bien s’il ne s’agirait pas d’autre chose, d’un Etat unitaire par exemple. C’est en tout cas la thèse d’Olivier Beaud lorsqu’il distingue Etat (unitaire ou fédéral) et Fédération, en montrant que toute structure politique qui opte pour la souveraineté verticale et pour l’omnicompétence de l’Etat rompt d’une certaine manière ses liens avec la logique et les valeurs premières du fédéralisme (son double telos, la fin particulariste et la fin commune) : 

« Le telos de la Fédération se caractérise par cet équilibre qu’il faut maintenir entre les deux fins contradictoires que sont la fin commune et la fin particulariste. Il n’y a donc de Fédération [fédéralisme : JC] que si cet équilibre fédératif est réellement l’objectif des fondateurs, que si cette tension existentielle est reflétée dans le dessein institutionnel et dans l’attitude des gouvernants »[xix].
        Dès lors que le contrat fédératif, si nous revenons à la notion de contrat, est un vrai contrat politique (compact) validé entre peuples qui décident librement de gérer en commun un certain nombre de choses tout en se réservant exclusivement un certain nombre d’autres choses, il est difficile d’expliquer que la volonté initiale d’entrer dans la fédération ne soit pas corrélée d’une éventuelle volonté de sortir autrement que par une logique verticale et centralisatrice (celle du groupe national majoritaire qui impose sa nation aux minorités nationales), volonté qui serait en l’espèce contraire au pacte[xx]. Si les parties du contrat entrent dans le contrat librement et conditionnellement, elles doivent aussi pouvoir le quitter librement et conditionnellement[xxi].

Vu sous cet angle, on pourrait même pousser la réflexion plus loin et dire que toute structure fédérative qui ne prévoit pas de droit de sécession dans sa Constitution peut reconnaître implicitement ce droit dès lors que le principe fédératif est assumé comme principe fondamental de son organisation politique. Comme l’a très bien expliqué la Cour Suprême du Canada dans son renvoi de 1998 sur une éventuelle sécession unilatérale du Québec, la disponibilité du pacte est un principe non écrit du fédéralisme qui peut être invoqué sous certaines conditions, comme les principes généraux du droit, même à défaut d’être mentionné par la Constitution[xxii] ou développé ultérieurement par le législateur[xxiii].

2.      Le fédéralisme doit-il craindre la sécession ?


Nous avons parlé jusque-là de fédéralisme, et d’un type de fédéralisme en particulier : le fédéralisme contractualiste. Si nous quittons le terrain des principes et des valeurs premières du fédéralisme, sur lesquels doit nécessairement prendre appui toute théorie normative du fédéralisme, et passons à celui de la pratique (du droit positif), force est de constater que la plupart des structures fédératives aujourd’hui sont, en tout ou partie, contraires au principe contractualiste. Des Etats-Unis à l’Australie, en passant par le Brésil ou l’Allemagne (demain, qui sait ?, l’UE), dans bon nombre d’Etats fédéraux le système prend appui sur l’idée de l’existence d’un seul peuple et sur une base plutôt individualiste qu’holiste[xxiv] de la fédération et de son pacte fondateur. Cela étant, même si dans toutes ces structures fédératives ou décentralisées le droit de sécession est formellement interdit[xxv], ce qui peut se comprendre, comme il a été dit plus haut, quand on conçoit la fédération comme un seul peuple, il n’en reste pas moins que les questions posées par la sécession, en tant que droit qu’un peuple entend être implicite à sa condition de peuple, n’ont pas reçu de réponses satisfaisantes dans les théories libérales de la justice ou de la démocratie. En effet, que se passe-t-il lorsque, en démocratie, une partie de l’Etat décide par des moyens démocratiques qu’il est grand temps de le quitter et de créer un Etat indépendant ? Cette question se pose aujourd’hui dans des Etats qui, comme l’Espagne, ne sont pas à proprement parler un Etat fédéral (ne reconnaissent pas le fédéralisme comme l’un de leurs principes fondateurs et fondamentaux) ; et la question s’y pose à vrai dire avec autant de force et sans doute pas moins de légitimité que dans des Etats fédéraux, comme la Belgique ou le Canada. Ce que je veux dire par là c’est que les commentaires précités, et ceux qui vont suivre, n’intéressent pas seulement une théorie fédérative contractualiste, mais plus largement toute forme étatique ou théorie démocratique de l’Etat susceptible de connaître une certaine forme de pluralisme culturel ou national pouvant déboucher sur des demandes de sécession. Car si la sécession peut être entendue comme étant de droit dès lors que le principe fédératif est assumé constitutionnellement, la question se pose aussi légitimement dès lors que le principe démocratique l’est aussi[xxvi]. La sécession du Québec, si le peuple québécois le veut ainsi, serait-elle plus légitime et conforme aux principes ou aux valeurs de la démocratie que celle de la Catalogne, si les Catalans le souhaitent, au seul prétexte que le Canada est un Etat qui reconnaît le fédéralisme parmi ses principes fondateurs et l’Espagne non ? Répondre par l’affirmative reviendrait à vider partiellement de son sens le principe de base de la démocratie, selon lequel c’est finalement le peuple qui choisit[xxvii].

Cette remarque étant faite, j’aimerais maintenant présenter quelques arguments qui peuvent nous permettre de ramener notre opinion sur la sécession à des positions plus raisonnables et justes. Contrairement à ce que pense une bonne partie des théoriciens du fédéralisme et de la démocratie, qui voit dans la sécession un principe en franche opposition avec les principes fédéral et démocratique, la sécession peut être vue comme un bien conduisant la société démocratique et le fédéralisme vers un ordre plus juste, plus souvent et davantage négocié, redonnant ainsi sens à la célèbre formule de Renan  (ce n’était pas, bien entendu, le propos de Renan) sur la remise en question permanente du « vouloir vivre ensemble ».

Comme le note Daniel Weinstock, dans les Etats fédéraux ou décentralisés qui connaissent une certaine forme de pluralisme national à l’intérieur de leurs frontières, on ne trouve pas le même genre de solidarité et de confiance « naturelles » que nous trouvons dans un Etat unitaire n’encourageant pas ou très modérément la création de nouvelles entités administratives ou politiques susceptibles à leur tour de développer une identité politique propre et concurrente de celle de l’Etat[xxviii]. Une identité politique forte, ressentie par les citoyens comme leur identité en tant que peuple différencié, est sans aucun doute un facteur de cohésion, y compris dans un Etat fédéral (par exemple : Etats-Unis et l’Allemagne), qui met l’Etat à l’abri des conflits politiques identitaires. Or cette identité politique forte, ciment de l’unité nationale dans un Etat unitaire (identité produite et promue par l’Etat), n’est pas une bonne solution là où elle est rejetée par un ou plusieurs groupes territoriaux. Dans des contextes où le pluralisme national fait obstacle à un éventuel projet politique unitaire, le fédéralisme apparaît toujours comme la seule solution ou le dernier arrêt avant un éventuel terminus « sécession ». Mais Weinstock a raison aussi de rappeler que le fédéralisme a une logique centrifuge (Beaud parle de logique « particulariste ») qui tend à émousser des principes démocratiques importants comme la solidarité et la confiance interterritoriales, rendant ainsi plus probables et plus fréquents les conflits identitaires entre les parties fédérées et la fédération[xxix]. Pour éviter que les parties fédérées n’agissent systématiquement de manière égoïste, ne prenant en compte que leurs seuls intérêts privatifs, il importe de promouvoir et d’encourager au niveau fédéral une attitude ou un esprit de loyauté fédérale. Comme d’autres observateurs l’ont montré[xxx], il importe grandement aussi de faire une place aux parties fédérées dans les instances décisionnaires de la fédération, afin que la gestion des affaires communes ne soit pas perçue comme une affaire privative de l’Etat central (ou du groupe national majoritaire). En effet, plus les décisions prises au niveau fédéral sont perçues par les parties fédérées comme étant aussi « leurs décisions », plus elles peuvent se sentir à l’aise dans la maison commune et, à terme, participer à la création et à la promotion d’une identité pan-nationale commune. Il en va de même pour les symboles de la fédération (langues, drapeaux, etc.), qui, s’agissant d’une fédération plurinationale, ne pourraient refléter une seule identité culturelle et politique sans blesser les autres composantes.

La sécession peut-elle être d’une quelconque aide afin de promouvoir cet esprit de loyauté fédérale nécessaire à la fédération dont parle Weinstock ? Si on veut éviter la sécession d’une ou plusieurs parties fédérées, l’introduction d’un droit de sécession clairement défini et dans des conditions bien définies peut être un moyen d’une efficacité surprenante. Je suis de l’avis de Weinstock lorsqu’il dit qu’une clause de sécession serait un élément dissuasif ayant un extraordinaire impact psychologique tant sur les parties fédérées que sur le gouvernement fédéral[xxxi]. Premièrement, il faut noter que dans des cas comme la Catalogne ou le Québec, le fait de ne pas pouvoir décider librement de leur adhésion à l’Etat (espagnol et canadien) est vraiment ce qui pose problème, car leur appartenance à l’Etat est ressentie comme quelque chose d’imposé. Quitteraient-ils l’Espagne ou le Canada s’ils pouvaient choisir ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’aussi longtemps qu’ils décideraient de rester dans l’Etat ils ne pourraient plus accuser le groupe national majoritaire d’exercer sur eux une tutelle illégitime et insultante. La confiance et la loyauté fédérales en sortiraient grandies des deux côtés, car l’Etat central verrait aussi que, pouvant choisir l’option « sortie », ils décident néanmoins de rester, ce qui l’obligerait aussi à nuancer ses critiques à l’égard de la politique catalane ou québécoise, pour reprendre les exemples cités, trop souvent injustement accusées d’agir contre la démocratie[xxxii]. En tout cas, aucune des parties ne pourrait plus instrumentaliser le thème de la sécession : l’épouvantail deviendrait enfin un sujet sérieux, et à prendre au sérieux[xxxiii]

Mais l’impact psychologique que le droit de sécession aurait sur le gouvernement fédéral (Etat central) est tout aussi important. Le gouvernement fédéral aurait aussi grand intérêt à modifier son attitude arrogante et autoritaire à l’égard des parties fédérées dans l’hypothèse où un droit de sécession leur serait reconnu. Si le gouvernement fédéral sait qu’une partie fédérée peut quitter la fédération ou l’Etat, il y a fort à parier qu’il se montrera plus conciliant et respectueux à l’égard des demandes des parties fédérées sur des sujets délicats et importants à leurs yeux. Là aussi, on peut considérer qu’avec le renforcement de la confiance et de la loyauté fédérales, les parties trouveront sans doute des raisons de poids pour choisir de rester dans la fédération, plutôt que de choisir l’option « sortie ».

Je ne pousserai pas plus avant ma réflexion sur le sujet. Mon but ici était d’avancer quelques arguments susceptibles de montrer l’intérêt et l’importance que le droit de sécession (et pas nécessairement pour faire sécession !) peut avoir pour le fédéralisme. D’ailleurs, l’évolution de l’affaire du Québec est assez intéressante à ce propos : depuis le célèbre renvoi de la Cour Suprême en 1998, puis la loi de clarification de la sécession en 2000, on n’a pas eu de poussée de fièvre sécessionniste au Québec, alors que paradoxalement le cadre juridique et politique pour une éventuelle sécession est aujourd’hui plus ou moins dessiné (et sans doute plus favorable)[xxxiv].

En conclusion, je dirais que dans une structure fédérative, le droit de sécession découle de sa nature contractuelle et peut donc être vu comme un droit fondamental. Si les fédéralistes souhaitent justement avoir ce droit, c’est pour pouvoir choisir le fédéralisme librement, mais pas à n’importe quel prix. Dans un Etat démocratique, fédéral ou non, les valeurs de la démocratie exigent aussi que l’on écoute la décision d’un peuple ou d’une majorité territoriale manifestant démocratiquement sa volonté de constituer un Etat séparé ou de revoir les conditions de son adhésion à l’Etat.  

Mais dans tous les cas, on peut gager que là où les peuples ou territoires, autonomes ou fédérés, n’ont rien d’important à reprocher au pouvoir fédéral ou central, on n’aura pas à craindre la sécession. Seuls les Etats dominés par un groupe national ou un peuple majoritaire, et qui entend le rester à tout prix, ceux qui se montrent injustes et arrogants envers leurs minorités nationales, ont à craindre la sécession. Je n’ai jamais cru aux sécessions capricieuses. 

                       Jorge Cagiao y Conde





[i] Cf. Mill, J. S., Considerations on Representative Government (1861), in H. B. Acton (ed.), Utilitarianism, Liberty, Representative Government, London, Dent, 1972. Voir aussi l’article de Nenad Stojanovic dans ce volume.


[ii] Le fait que la sécession soit considérée par nombre de spécialistes comme étant un élément contraire aux principes de base du fédéralisme montre à notre sens les concessions faites par la science juridique et la doctrine dominante en droit public pour faire rentrer de force le fédéralisme dans le moule de la Théorie de l’Etat (et de la nation). Or c’est justement cette concession qui pose problème scientifiquement et peut même être considérée comme contraire aux principes du fédéralisme. Cf. l’excellent ouvrage d’Olivier Beaud sur la théorie du fédéralisme (Théorie de la Fédération, Paris, PUF, 2007).  


[iii] Voyenne, B., Histoire de l’idée fédéraliste, t. III, Paris-Nice, Presses d’Europe, 1981, p. 131-158.


[iv] L’explication est très claire et pas moins instructive : il nous livre une opinion (indissolubilité du pacte fédératif) qui n’a aucun lien logique avec sa théorie contractualiste (les parties qui se fédèrent sont souveraines). Or ce dernier pas (du contrat entre souverains à la souveraineté une et indivisible du Tout fédéral), Voyenne le fait non pas à la manière du scientifique (en déduisant objectivement ce qui doit être déduit de sa thèse initiale), mais plutôt à la manière du politicien, pour qui le moyen de parvenir à la « vérité » (entendons ici « connaissance ») importe moins que le fait que la « vérité » soit conforme à ses propres vues.     


[v] Voyenne, B., op. cit., p. 134.


[vi] « […] une fédération authentique ne peut que refuser à notre avis – ce n’était pas celui de Proudhon, chez qui le pôle libertaire l’emporte toujours – de reconnaître explicitement un tel droit [de sécession] » (ibid., p. 153).


[vii] Sur la dialectique proudhonienne, cf. Marc, A., Dialectique du déchaînement. Fondements philosophiques du fédéralisme, Paris, La Colombe, 1961.


[viii] Cf. Proudhon, P.-J., Du Principe fédératif, Tops, 1997, p. 88-90n ; id., De la capacité politique des classes ouvrières, Paris, Rivière, 1924, p. 198 et s.


[ix] Sujet tellement important qu’il a servi de critère à la doctrine en droit public pour établir le célèbre distinguo « Etat fédéral » (droit interne) et « Confédération » (droit international) sur lequel a été bâtie traditionnellement la théorie du fédéralisme. Cf. Beaud, O., Théorie de la Fédération, op. cit.


[x] Malaise et incapacité à penser le fédéralisme qui peuvent être rapprochés du malaise ou de l’incapacité, conscients ou, le plus souvent, inconscients, que l’on trouve chez un nombre considérable de penseurs ou de chercheurs ayant écrit sur la question de la nation ou du nationalisme. Comme le note Wayne Norman, trop nombreux sont les auteurs en France ou aux Etats-Unis à décrire et souvent à condamner le nationalisme des « minorités nationales sans Etat » (au Québec, au Pays Basque, etc.) tout en refusant de voir leur propre culture politique (celle de l’Etat français ou américain) comme une culture politique nationaliste (Norman, W., Negotiating nationalism. Nation-building, Federalism, and Secession in the Multinational State, Oxford University Press, 2006, p. xiii). Attitude qui a, c’est ce qui nous intéresse ici, des répercussions notables dans la littérature fédérale spécialisée. L’image proposée par Norman dans l’ouvrage citée est très pertinente : nombre de théoriciens du fédéralisme ou de chercheurs feraient en la matière comme le poisson, qui n’est pas conscient de l’eau dans laquelle il évolue (« Like fish unaware of the water they swim in » - id.).          


[xi] Le droit international considère que seuls les peuples colonisés ou opprimés ont un droit à l’autodétermination (extérieure) et donc à former un Etat indépendant. Les autres « peuples » (la définition du mot pose aussi problème) ont seulement droit à une autodétermination « intérieure », c’est-à-dire dans le cadre juridique et territorial de l’Etat qui les contient. On voit à quel point cette conception peut être problématique : un « peuple » ne bénéficiant que d’une autonomie qu’il (entendons : la majorité qui le gouverne) peut juger très restreinte ou en tout cas pas satisfaisante, peut-il vraiment être considéré comme pouvant s’autodéterminer dans le cadre de l’Etat démocratique qui le contient ? Sur la théorie de la juste cause, cf.  Buchanan, A., Secession. The morality of Political Divorce from Fort Sumter to Lithuania and Quebec, Boulder, San Francisco, Oxford, Westview Press, 1991 ; Norman, W., « The Ethics of Secession as the Regulation of Secessionist Politics », in Moore, M. (ed.), National Self-Determination and Secession, Oxford University Press, 1998, p. 34-62. Pour une discussion des théories de la sécession, cf. Lehning, P. B. (ed.), Theories of Secession, London and New York, Routledge, 1998 ; Norman, W., op. cit.


[xii] Voir le cas exemplaire sur ce point de l’Union Européenne.


[xiii] C’est la thèse dominante dans les études sur le fédéralisme, avec des nuances plus ou moins importantes chez certains auteurs. Voir par exemple un classique du genre : Wheare, K., Federal Governement, Oxford University Press, 1947. Le lecteur pourra aussi lire un texte récent soutenant la même thèse (avec une information très actualisée) et accessible en ligne : Harbo, F., « Secession Right – an Anti-Federal Principle ? Comparative Study of Federal States and the UE », Journal of Politics and Law, 3/2008 (http://www.ccsenet.org/journal/index.php/jpl/article/viewFile/727/698).  


[xiv] Cf. par exemple Kelsen, H., « La théorie juridique de la convention » (1940), in Leben, C. (éd.), Hans Kelsen. Ecrits français de droit international, Paris, PUF, 2001, p. 85-120. 


[xv] Proudhon, P.-J., Du Principe fédératif, op. cit., p. 84-90.


[xvi] Ibid., p. 87-88.


[xvii] Sur la notion de contrat fédératif et les différences entre lien contractuel et lien statutaire dans le fédéralisme, cf. Beaud, O., « La notion de pacte fédératif. Contribution à une théorie constitutionnelle de la Fédération », in Mohnhaupt, H., Kervégan, J.-F., Liberté sociale et contrat dans l’histoire du droit et de la philosophie, Klostermann, 1997, p. 197-270. 


[xviii] Aux XVIII et XIX siècles, dans un temps historique que nous pouvons définir, avec Hans Kelsen (Théorie pure du droit, Bruylant-L.G.D.J., 1999, p. 311 et s.), comme ayant et connaissant un droit interétatique (surtout) et intra-étatique « primitif » (c’est essentiellement par la guerre et la conquête qu’on règle alors les différends entre peuples ou Etats), Montesquieu, Rousseau et bien d’autres pouvaient expliquer, de manière très pertinente, que les petites Républiques pouvaient souhaiter perdre leur souveraineté au profit de la fédération afin de se protéger d’une menace extérieure et de garantir ainsi leur existence. Cet argument, hier valable, ne semble pas avoir aujourd’hui, au XXIe siècle, avec le développement du droit international et de l’Etat de droit, la même force ni la même pertinence pour expliquer la « perte volontaire » de la souveraineté des groupes qui décident d’entrer dans une structure fédérative. L’UE en est encore un excellent exemple.


[xix] Op. cit., p. 281. La question du double telos est développée dans les pages 261et suivantes.


[xx] Logique qui, d’une certaine façon, précéderait aussi le pacte. Sur cette question, cf. Máiz, R., « Federalismo plurinacional: una teoría política normativa », Revista d'Estudis Autonomics i federals, Barcelona, 2006 (3), p. 57-58 ; id., La frontera interior. El lugar de la nación en la teoría de la democracia y el federalismo, Murcia, Tres Fronteras Ediciones, 2008.


[xxi] Ou inconditionnellement. Même une volonté de faire sécession considérée comme injuste, illégale ou illégitime par l’Etat qui subirait la sécession reste une volonté politique, exprimée démocratiquement, qui doit être écoutée. Si elle n’est pas conforme à la légalité constitutionnelle, elle pourra être considérée comme révolutionnaire ou illégale, mais sa légitimité, dès lors que la sécession est souhaitée par une majorité claire, semble difficilement discutable. Il suit de là que, en dernière instance, la décision de faire sécession peut être, de facto, inconditionnelle.


[xxii] Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217. Cela ne veut pas dire, conformément à l’explication donnée par la Cour, que cette interprétation est la seule possible et valable, ni d’ailleurs que l’on puisse en déduire un droit absolu qui pourrait être opposé aux autres principes fondamentaux cités par la Cour, et avec lesquels le principe du fédéralisme devrait nécessairement composer (la Cour cite, outre le fédéralisme, la démocratie, la primauté du droit, le constitutionalisme et le respect des minorités) ; cela veut donc simplement dire que cette interprétation est possible et légitime, et, c’est cela qui nous intéresse ici, elle découle des principes du fédéralisme.


[xxiii] Une loi dite de « clarification », sur la clarté référendaire, prévoyant les modalités dans l’exercice du droit de sécession, a été votée par le législateur canadien en 2000, à la suite de l’avis précité de la Cour Suprême.


[xxiv] L’expression est empruntée à Beaud : « le principe fédéral n’est pas un principe individualiste, mais bien plutôt son contraire : c’est un principe « holiste » » (Théorie de la Fédération, op. cit., p. 198). Il convient d’attirer aussi l’attention du lecteur sur le caractère trompeur de l’expression « individualiste », car à dire vrai toutes les théories de l’Etat qui s’inspirent des théories du contrat social (entre individus souverains) aboutissent à une forme d’holisme par en haut (un peuple un et indivisible, le mythe des origines communes, etc.). Il conviendrait donc d’opposer plutôt un holisme par en bas (ou fédéralisme par en bas) à un holisme par en haut (fédéralisme par en haut).


[xxv] Seuls les Etats d’Ethiopie et de Saint Christophe et Niévès ont à ce jour inclus une clause de sécession dans leur Constitution.


[xxvi] Pour une théorie libérale de la sécession, cf. Beran, H., « A Liberal Theory of Secession », Political Studies, 32/2, 1984, p. 21-31 ; id., « A democratic theory of political self-determination for a new world order », in Lehning, P. B. (ed), op. cit., p. 32-59.


[xxvii] Question, ne l’oublions pas, qui porte sur le sens et sur l’éventuelle identité du « peuple qui choisit ». Autrement dit, qui peut être considéré comme étant un peuple, capable donc de décider de son avenir ? Je ne peux pas traiter ici une question aussi complexe, mais il convient de pointer du doigt plusieurs lieux communs qui sont souvent avancés pour écarter le droit de sécession des minorités nationales : 1/ l’argument par l’absurde, consistant à dire que le fait d’accorder le droit de sécession à toute majorité territoriale aussi restreinte soit-elle, légitimerait aussi la sécession d’un quartier ou d’un pâté de maisons, est puéril : il semble plutôt cacher une volonté de préserver le statu quo des Etats-nation souverains ; 2/ le droit international, produit par les Etats-nation (ou Etats-peuple), et le droit public interne sur la question ne peuvent pas être pris avec un minimum de sérieux comme étant un étalon de mesure fiable et impartial en la matière car ils tranchent en vérité une question dans laquelle ils (les Etats et leurs Hautes Cours de Justice) sont clairement juges et parties : ils jugent du statut ou de la condition de « peuple » ou de « nation » (voir la récente décision du Tribunal constitutionnel espagnol sur le cas de la Catalogne) concernant des territoires qui se trouvent ou peuvent se trouver à l’intérieur de leurs frontières. Comme le dit Rainer Bauböck « it is impossible to find a rule for democratic decisions about bouandaries that would be procedurally neutral between the preferences of secessionists and unionists » (« Why stay together ? A pluralist approach to secession and federation », in Kymlicka, W., Norman, W. (ed.), Citizenship in diverse societies, Oxford University Press, 2000, p. 367). La décision du Conseil constitutionnel français portant sur l’inconstitutionnalité de l’expression « peuple » pour se référer au peuple corse est un autre très bon exemple (Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 – loi portant statut de la collectivité territoriale corse).    


[xxviii] Weinstock, D., « Vers une théorie normative du fédéralisme », Revue internationale des sciences sociales, n° 167,  mars 2001, p. 82.


[xxix] Id.


[xxx] Par exemple : Requejo, F., « Fédéralisme et groupes nationaux », Revue internationale des sciences sociales, n° 167, mars 2001, p. 43-51 ; Fossas, E., Requejo, F. (dir.), Asimetría federal y Estado plurinacional. El debate sobre la acomodación de la diversidad en Canadá, Bélgica y España, Madrid, Trotta, 1999.


[xxxi] Weinstock, D., art. cit., p. 84-86.


[xxxii] Les mouvements nationalistes sous-étatiques sont souvent vus et présentés par l’Etat (par ses responsables politiques, ses intellectuels, etc.) comme « nationalistes », mot qui prend une connotation péjorative et laisse à entendre qu’il n’y aurait qu’un seul nationalisme (qu’ils présentent comme étant néfaste en démocratie) : le nationalisme sous-étatique. C’est un procédé par lequel on essaie de renvoyer le négatif dans le camp rival et faire croire qu’il n’y a pas de « nationalisme » d’Etat. Les études spécialisées ont pourtant montré depuis une bonne dizaine années que tous les Etats ont pratiqué et pratiquent un « nationalisme » qu’on pourrait dire décomplexé, et que ce « nationalisme » n’est pas moins « nationaliste » que le nationalisme des nationalismes sous-étatiques. L’utilisation du terme « nationaliste », pour se référer aux seuls nationalismes sous-étatiques, en leur prêtant systématiquement des intentions anti-démocratiques, est scientifiquement non fondée. Cette utilisation, telle que décrite, est donc clairement idéologique. 


[xxxiii] Si aucune procédure légale ne prévoit la sécession, il peut en effet être politiquement rentable d’agiter l’épouvantail séparatiste chaque fois qu’une élection approche, ou d’accuser le pouvoir central d’imposer une tutelle perçue comme illégitime car on sait que les menaces ne seront pas suivies d’une éventuelle consultation populaire (illégale ou juridiquement non contraignante), qui pourrait pourtant, rappelons-le, désavouer les dirigeants nationalistes à l’origine de la consultation en cas d’échec. Un tel désaveu serait très difficile à gérer et aurait sans doute des conséquences pour le/les parti(s) ayant appelé le peuple consulté à s’exprimer en faveur de la sécession. En revanche, si la sécession est prévue et peut aboutir conformément à la légalité constitutionnelle, on hésitera beaucoup à jouer la carte de la sécession en raison des conséquences que pourrait avoir un résultat négatif. On peut même imaginer que seul un gouvernement sûr d’avoir un soutien massif se risquerait dans ce cas à consulter le peuple. 


[xxxiv] Plusieurs responsables politiques canadiens semblent désormais prêts à reconnaître que la sécession du Québec serait acceptée par le gouvernement canadien si elle devait se produire. Le même phénomène ou la même attitude, semble-t-il, commence à être perceptible parmi la classe politique au Royaume Uni à propos d’une éventuelle sécession de l’Ecosse.