viernes, 26 de septiembre de 2014

Le référendum écossais a fait trembler les fédéralistes européens. Pourquoi ?



Parmi les différentes conclusions à tirer des référendums écossais et catalan (ce dernier annoncé pour le 9 novembre) on peut en retenir deux : 1) l’attachement des Écossais et des Catalans à l’Europe, qu’ils ne veulent pas quitter ; 2) un attachement tout aussi fort à leur auto-gouvernement, qu’ils veulent accroître dans les deux cas. En somme, rien qui puisse choquer un fédéraliste. Et pourtant…

Le moment est à la crise et appelle d’urgence une réflexion sur le fédéralisme dans le contexte « déjà fédératif » européen. Ici et là, les fédéralistes européens demandent une Europe plus démocratique et plus forte, un gouvernement central plus fort, ce qui - nous explique-t-on - devraient aller sans heurter l’autonomie des États-membres et de leurs territoires également autonomes (Écosse, Catalogne, Pays basque, Flandres, etc.). La chose se présente belle à ravir et on aimerait tous l’aimer et l’épouser. Mais ce n’est pas parce que la chose est belle que le mariage est possible. Quelques touches (très rapides) de pédagogie et de clarté tirées de l’histoire du fédéralisme moderne devraient nous permettre de comprendre que ce fédéralisme à trois niveaux, « tous très autonomes », est irréalisable.

Kelsen, le grand juriste autrichien, parlait de la répartition des compétences comme étant « le noyau politique » de l’idée fédéraliste. Le fédéralisme qu’on connaît depuis l’essai fondateur aux États-Unis (1787) est un fédéralisme qui a partagé le pouvoir public (les compétences) entre deux niveaux étatiques : le fédéral et le fédéré. Aujourd’hui, les spécialistes sont d’accord pour reconnaître comme étant un trait caractéristique du fédéralisme moderne une tendance progressive à la centralisation des ressources et à l’uniformisation juridique et politique. Plus nos vieux systèmes fédératifs évoluaient plus la répartition des compétences tournait au profit du gouvernement fédéral et au détriment, par conséquent, du niveau fédéré. En d’autres mots, plus la puissance étatique du niveau fédéral augmentait, plus celle du niveau fédéré s’affaiblissait. La tendance a pu atteindre une telle ampleur qu’on est aujourd’hui à se demander si certains États fédéraux sont encore des systèmes fédératifs ou à considérer certains systèmes décentralisés (Grande Bretagne ou Espagne) comme de vrais systèmes fédératifs. C’est dire.

Voilà ce qui s’est passé dans notre histoire, grosso modo, avec deux parties autour de la table des compétences à repartir dans un système fédératif : perte d’auto-gouvernement de l’échelon fédéré ; éloignement progressif, au profit d’un centre politique, d’un certain nombre de compétences et de responsabilités autrefois ancrées au plus près des citoyens ; les unités fédérées soumises dès lors de plus en plus souvent aux intérêts de la majorité fédérale ; une subsidiarité qui fonctionne le plus souvent « à l’envers » ; substitution d’une logique de la « coordination » par une logique de la « subordination » ; remise en cause et appauvrissement, de plus en plus dès lors, de l’idéal de l’unité dans la diversité ;  etc.

Ajoutons maintenant un troisième convive à notre table, et précisions qu’il n’est pas là pour regarder manger les deux autres. Il a faim aussi. C’est l’exemple de l’UE (Europe, État-membre, territoire autonome). Peut-on sérieusement penser que, la chose à répartir étant la même (la compétence), on pourrait avoir à la fois, un gouvernement fédéral européen fort, des États-membres forts et des territoires autonomes forts dans les États-membres ? Si la compétence européenne s’accroît, ce sera nécessairement au détriment de celle des États-membres, et à plus forte raison des territoires autonomes des États-membres.

Dès lors, la question se pose : pourquoi les fédéralistes européens se sont-ils raidis à l’approche du référendum écossais ? Si l’on chérit l’auto-gouvernement, et si l’on chérit l’Europe des Peuples lancée par quelques-uns de nos plus grands fédéralistes européens du siècle dernier (Guy Héraud, Denis de Rougemont, Alexandre Marc), on aura du mal à comprendre cette peur soudainement exprimée contre l’indépendantisme écossais et catalan. Et je demanderais alors : quel auto-gouvernement réservons-nous demain aux Écossais et aux Catalans au sein de leurs États-membres respectifs dans une Europe politique forte ? Voilà la réponse : ce sera une autonomie de plus en plus affaiblie par les empiétements du gouvernement fédéral européen et de chaque État-membre (qui voudra récupérer par en bas ce qu’il aura perdu par en haut). A moins que ce ne soit, dans le cas de l’Écosse, une sortie de l’UE imposée par la Grande Bretagne…

Les promesses fédérales d’une Europe politique forte, avec des États fédérés forts et des territoires autonomes forts ne pourront pas être tenues. C’est tout simplement impossible. Dès lors, si l’UE avance vers l’intégration politique, l’intérêt des populations qui, comme en Écosse ou en Catalogne, tiennent à leur auto-gouvernement, est de devenir un échelon ou niveau fédéré (et non sous-fédéré) au sein de l’UE. Aux côtés, bien entendu, des autres unités fédérées que sont aujourd’hui les États-membres. Et les fédéralistes européens doivent le comprendre. Autrement, aux résistances que rencontre le projet politique fédéral européen chez les États-membres, viendront s’ajouter celles des Écossais, des Basques, des Catalans, des Corses, des Flamands, etc.

  

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